Les vacances scolaires arrivent bientôt. La chaleur, elle, est déjà bien présente en cette fin de mois de juin. Et pourtant, la motivation des fidèles habitués de la classe virtuelle du mercredi matin est toujours au rendez-vous. Les aventures de Thomas Grimaud touchent à leur fin et cette belle aventure nous aura permis de préserver, à mes élèves et à moi, un lien précieux en ces temps troublés.
Alice sortit avec angoisse le téléphone de la poche de sa veste. Elle se doutait bien que le SMS qu’elle venait de recevoir concernait l’échange qui devait avoir lieu aujourd’hui. La vie de son père ne tenait pas à grand-chose et elle prit une grande inspiration avant de consulter le message laconique qui s’affichait sur l’écran tactile de son portable :
Rendez-vous pour l’échange au niveau du hangar près de la pharmacie de la rue piétonne à 18 heures précises. Venez seuls, si vous tenez à la vie du professeur Lemaître.
Et c’était tout… Alice jugea bon de prévenir les membres de l’équipe de surveillants. En effet, si jamais les choses devaient mal tourner, autant que quelqu’un soit au courant ! Elle leur demanda de prévenir les autorités s’ils n’avaient pas de nouvelles d’elle vers 18 h 30. Les surveillants promirent de faire le nécessaire. Ils étaient maintenant conscients de la gravité de la situation et on pourrait compter sur eux.
C’est pourtant avec la boule au ventre que les quatre compères retournèrent en cours. Se concentrer en classe fut pénible mais en même temps, cela leur permit de penser à autre chose. Ils devaient faire comme si de rien n’était pour ne pas éveiller les soupçons de leurs professeurs ou de leurs camarades.
Pendant ce temps, les surveillants avaient contacté le principal du collège. Ils l’avaient informé du harcèlement que faisait subir le professeur Ligot à certains élèves du collège, en toute illégalité.
Monsieur Ligot fut convoqué d’urgence dans le bureau du principal. Quand il entra dans la pièce, le professeur aperçut sur l’imposant bureau en chêne clair un splendide cactus, d’une taille assez imposante. Il pensa que la présence de cet ornement était quand même assez étrange dans un bureau administratif.
-Prenez place, ordonna monsieur le principal, en indiquant d’un geste nerveux le fauteuil situé face à lui. Il était en conversation téléphonique et monsieur Ligot dut patienter, sans trop savoir quelle était la raison de cette convocation urgente.
-Bien, s’exclama le principal lorsqu’il eut raccroché. Vous devez probablement vous demander quelle est la raison de votre présence ici.
-Sans aucun doute, ironisa Monsieur Ligot.
-Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Votre poste de professeur dans notre collège est compromis, asséna-t-il.
-Mais pourquoi cela ?, interrogea le professeur devenu blanc comme un linge.
-Je ne vous apprends rien en vous rappelant que le harcèlement, sous quelque forme que ce soit est interdit par la loi, n’est-ce pas ?, tempêta-t-il.
-Mais…mais…de quoi parlez-vous ? De quoi m’accusez-vous ? Je n’ai rien fait de mal !, affirma Monsieur Ligot.
-Ah ah, c’est donc ainsi que vous niez vos agissements !, rugit le principal. Et bien j’ai des preuves, figurez-vous !
Il tourna l’écran de son ordinateur de manière à ce que son interlocuteur put visionner les images en même temps que lui et il cliqua sur les enregistrements des caméras de surveillance. On pouvait clairement y voir Monsieur Ligot suivre à plusieurs reprises les quatre jeunes gens au sein du collège. Chaque nouvel extrait de vidéo voyait le professeur se tasser un peu plus sur son siège.
-Je crois que les images parlent d’elles-mêmes, n’est-ce pas ?, affirma le principal.
Devant le silence stupéfait du professeur, le principal en profita pour lui asséner le coup de grâce en le menaçant de le dénoncer à l’Inspection Académique s’il le voyait à nouveau en train de harceler qui que ce soit dans son établissement. Monsieur Ligot jura qu’on ne l’y reprendrai plus et sortit du bureau en reculant et en bredouillant des excuses inintelligibles. Si les quatre jeunes-gens avaient pu être témoins de la scène, ils auraient été ravis de constater à quel point ce personnage, habituellement si sûr de lui-même et si méprisant, pouvait se métamorphoser en une carpette larmoyante.
Après cette sortie peu digne de la haute opinion qu’il avait de lui-même, Monsieur Ligot se mit à réfléchir très vite et très intensément. Finalement, il ne craignait pas vraiment les menaces de son supérieur. Ce qui lui importait par dessus tout, c’était de mettre la main sur cette fameuse clé USB qu’il savait être encore entre les mains d’Alice. Ses contacts réguliers avec les ravisseurs du professeur Lemaître lui avaient appris que l’échange aurait lieu ce soir. Il n’aurait donc plus très longtemps à patienter avant de s’approprier les données qui feraient de lui un homme riche et célèbre. Ou peut-être seulement riche. Mais c’était tout ce qui comptait à ses yeux. Un sourire machiavélique apparut sur son visage ridé et disgracieux. Il ferait semblant de faire profil bas mais son heure arrivait bientôt. Il le sentait en lui.
Les cours terminés, les jeunes gens prirent le chemin de leur parc favori. Il fallait se mettre d’accord sur un plan concernant l’échange qui devait avoir lieu dans la soirée. A plusieurs reprises, Thomas sentit sur lui le regard appuyé de Marie. Un regard presque tendre. C’est en tout cas comme cela qu’il l’interprétait. Il se traita d’idiot intérieurement mais l’espoir de sentiments partagés commençait à naître en lui. Il eut quelques difficultés à se concentrer sur la conversation du moment.
Ils passèrent chez eux pour se changer car ils avaient décidé de porter des grandes capes noires afin de pouvoir se déplacer discrètement. Ils se rejoignirent à quelques pas du hangar désigné par les ravisseurs. Thomas, sur les conseils de ses amis se rendit invisible et attendit patiemment près de la porte du hangar. Les ravisseurs, en compagnie de ce diabolique Monsieur Ligot, attendaient près de la porte d’entrée du bâtiment. Alice s’approcha en tremblant du groupe, tout en montrant la clé USB qu’elle tenait dans sa main.
-Pose la clé au sol et recule de deux pas !, hurla Monsieur Ligot.
-Je veux d’abord constater que mon père est bien vivant, osa répondre Alice.
-Regarde sur ton téléphone !, aboya l’un des ravisseurs.
Alice s’aperçut qu’elle avait reçu une vidéo par mail. Elle la lança et put ainsi constater, ainsi que Théo, que le professeur était toujours en vie.
-Tu ne pourras revoir ton cher père que lorsque nous serons sûrs que la clé USB contient bien les données que nous cherchons, ricana Monsieur Ligot.
Silencieusement, Alice posa l’objet au sol et recula de quelques pas. Thomas, invisible, surveillait attentivement la scène en silence, pour ne pas se faire remarquer.
Le professeur Ligot inséra la clé dans son ordinateur portable et poussa un hurlement de joie. Les ravisseurs le regardèrent de travers : il ne s’agissait pas d’attirer l’attention sur eux !
-Mais je veux être totalement sûr que c’est la bonne formule. Vous allez attendre ici que je teste tout ça dans mon laboratoire, dit Monsieur Ligot.
Les quatre compères ne s’attendaient pas du tout à ça ! Le chimiste allait rapidement s’apercevoir de la supercherie ! Un vent de panique se mit à souffler dans leurs esprits. Ils ne pouvaient pas afficher leur peur mais ils étaient pris au piège…
C’était sans compter sur Thomas et ses pouvoirs surnaturels. En effet, dès qu’il comprit que la situation était en train de tourner à leur désavantage, il traversa, toujours invisible, les murs du hangar et se mit à la recherche du père d’Alice. Pendant que le professeur Ligot testait la formule inventée par son confrère prisonnier, Thomas, qui avait localisé le célèbre savant, l’avait libéré de ses liens et l’avait transporté à l’extérieur du bâtiment.
Alice sauta dans les bras de son père et des larmes de joie coulèrent sur les joues du vieil homme. Il ne fallait pas traîner ici ! Quand le diabolique professeur Ligot s’apercevrait qu’il avait été dupé, il serait fou de rage, c’est certain.
Personne ne s’aperçut de l’absence de Thomas qui, toujours invisible, était resté sur place. En effet, il avait aperçu non loin de là, dans les jardins qui jouxtaient le hangar, un parterre de roses magnifiques et il tenait absolument à en rapporter une à Marie. Il savait qu’il prenait des risques mais c’était un geste si romantique qu’il ne résista pas à la tentation. Après tout, son invisibilité était une sacrément bonne protection !
Tandis qu’il cueillait la précieuse fleur, il entendit des sirènes de police se rapprocher du hangar. Ainsi, les surveillants avaient tenu parole… Thomas ne manquerait pas d’aller les remercier. Dès demain !
Il vola jusqu’au petit groupe qui s’éloignait rapidement du site pharmaceutique. Il décida de ne pas révéler sa présence pour l’instant. Il les écouta raconter leurs aventures et fut très ému par leur joie de se retrouver.
Le professeur Lemaître avait besoin de repos et il rentra à l’appartement, tandis que Marie, Alice, Théo et Thomas toujours invisible décidèrent de fêter l’événement.
Il était déjà 20 heures. Les parents devaient être fous d’inquiétude… Chaque protagoniste envoya un SMS rassurant aux siens et finalement, ils se retrouvèrent à la sandwicherie du coin. Ils étaient affamés maintenant ! Thomas décida de se rendre à nouveau visible pour se mettre à table avec ses amis. Il avait du mal à cacher la rose derrière son dos tout en mangeant d’une seule main.
-Marie, j’ai quelque chose pour toi, déclara-t-il à la fin du repas.
-Ah oui ?, interrogea-t-elle en rougissant.
-Allez viens, je vais te montrer de quoi il s’agit, osa Thomas.
-Ne vous inquiétez pas, dit Théo, je vais raccompagner Alice chez elle. On se retrouvera demain au collège. Bonne soirée les amoureux !
Thomas et Marie furent surpris de l’affirmation de Théo. Ils ne pensaient pas que leurs sentiments réciproques étaient aussi visibles pour les autres.
-Alors, s’exclama Marie, gênée, on y va Thomas ?
-Oui, j’arrive !, murmura-t-il.
En chemin, il offrit la magnifique rose à celle dont il était amoureux. Marie le prit dans ses bras et lui avoua ses sentiments. Ils s’embrassèrent à l’ombre d’un platane, sur le chemin du retour. La vie allait être encore plus belle à partir de demain ! Ils rentrèrent chacun chez soi, le coeur en fête.
Théo, de son côté, raccompagna Alice jusqu’à l’entrée de son immeuble. Plus besoin de passer par les sous-sols maintenant ! Ils pouvaient s’afficher au grand jour ! Ils n’avaient plus besoin d’avoir peur, le danger était passé.
-Tu sais quoi, s’exclama soudain Alice, je suis heureuse que mon père soit sauvé mais je regretterai presque que la vie reprenne son cours normal. Tu n’as pas cet étrange sentiment de vide en toi ?
-Ce qui me manquera le plus, c’est surtout de ne plus vous voir aussi souvent, murmura Théo.
-Oh, soupira Alice, mais qu’est-ce qui nous empêche de nous voir si on le souhaite ? Je te suis tellement reconnaissante pour toute l’aide que tu nous as apporté pour mon père !
Elle effleura tendrement la joue de Théo qui y vit le signe qu’il pouvait aller un peu plus loin. Ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, comme s’ils ne voulaient plus jamais se quitter. Leurs aventures étaient terminées. Certes. Mais une nouvelle vie commençait pour eux, une vie plus secrète et plus intime mais qui promettait d’être tout aussi riche en émotions…
Le lendemain, les amis se retrouvèrent devant le collège et ne furent pas étonnés du bonheur de leurs camarades. Les deux couples prirent le chemin du bureau des surveillants afin de les remercier pour leur aide. C’est là qu’ils apprirent que la police avait arrêté Monsieur Ligot, ainsi que les autres ravisseurs. L’entreprise Bochon allait être mise en examen pour complicité d’enlèvement.
Les journalistes s’étaient emparés de l’affaire et cette dernière faisait les gros titres dans la presse écrite, à la télévision et sur les réseaux sociaux. Personne ne mentionna le rôle joué par les quatre jeunes gens dans l’histoire. La manière dont le professeur Lemaître avait été libéré demeura un mystère. Mais cela ne dérangea absolument pas les deux couples. Ils ne cherchaient pas la gloire. Ils désiraient plutôt savourer chaque instant de cette nouvelle vie bien méritée…
Nous voici parvenus au terme des aventures de Thomas Grimaud, aventures qui nous ont tenu en haleine pendant plusieurs semaines. Je tenais à remercier tout particulièrement mes élèves de sixième qui, lors des classes virtuelles du mercredi, sont venus enrichir ce récit, semaine après semaine, par leur imagination fertile. C’est grâce à eux que ce projet a pu voir le jour et se dérouler dans les meilleures conditions. Et peut-être que ces écrivains en herbe pourront à leur tour imaginer leurs propres récits à l’avenir ? Merci également pour les superbes illustrations réalisées par ces jeunes gens. J’ai été ravie de partager cette aventure avec vous et nous aurons peut-être encore à l’avenir l’occasion de vivre d’autres projets, qui sait ? En attendant, bonnes vacances à tous et à très bientôt…