L’autorité

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Lorsqu’on parle de relation bienveillante dans le milieu de l’Education Nationale, certains ont encore tendance à faire l’amalgame avec la complaisance ou le laxisme.

Une simple recherche sur internet nous révèle que ce terme renvoie à 2 sens principaux :

Sens 1 : Droit de commander, pouvoir d’imposer l’obéissance.

Sens 2 : Les organes du pouvoir.

Le pouvoir qui est conféré aux parents envers leurs enfants (autorité parentale), celui conféré par le statut de fonctionnaire de l’Etat (en ce qui concerne les professeurs mais également les fonctionnaires de police, des impôts…), ainsi que le pouvoir conféré par les électeurs aux institutions gouvernementales ne peut s’envisager que si on lui obéit. La première des composantes de l’autorité est donc celle qui induit l’obéissance chez celui qui la respecte ou la subit.

Mais comment induire cette obéissance ? Par la force ? Par la persuasion ? Quid de la relation bienveillante dans l’affaire ? Peut-on même envisager une relation bienveillante lorsqu’il s’agit d’autorité ?

Dans une conférence qu’elle donna en 2015 à l’ESEN (Ecole Supérieure de l’Education Nationale), Véronique Guérin, psychosociologue spécialisée dans le domaine, retrace les différents courants ayant eu cours dans l’Institution sur un plan historique. Chaque “style” d’autorité exercé par les enseignants au cours du temps est envisagé selon ses apports et ses inconvénients aussi. Il me paraît intéressant de prendre un peu de recul, et c’est ce que cette conférence nous permet. La vidéo est un peu longue mais Véronique Guérin apporte une approche pédagogique qui me semble intéressante à connaître.

Son regard sur ce qu’est l’autorité et ce qu’elle sous-entend comme différentes approches donne à réfléchir.

Quand j’ai commencé à enseigner, j’avais encore à l’esprit le statut accordé au “maître d’école”, tel que je l’avais vécu. Il fallait obéir, que ce soit à nos parents ou aux enseignants, “parce que c’était comme ça et pas autrement”. J’imaginais donc en débutant dans la profession, que mon statut me conférerait ce “pouvoir” sur les élèves. Mais les temps ont changé, le respect du statut n’est plus aussi prégnant dans notre société occidentale. Les incivilités augmentent, les jeunes se rebellent et ne se contentent plus du “parce que c’est comme ça”.

Mais pour autant, est-ce que nous y avons perdu ? Se remettre en cause et proposer des démarches alternatives ne permettrait-il pas d’envisager une relation d’autorité fondée sur la bienveillance et non plus sur la soumission ?

J’entends encore ma grand-mère me dire que “de son temps”, les jeunes étaient au moins respectueux de certaines valeurs et que ce monde moderne ne respectait plus rien. Vraiment plus rien ? Ou est-ce que notre jeunesse un peu dorlotée n’attend pas que nous lui accordions un peu plus de respect ? Ne pas se soumettre sans critique ne serait-il pas une ouverture vers un monde plus conscient, plus responsable, parce que plus à même d’intégrer des valeurs librement consenties ?

Michel Montaigne disait déjà que “Mieux vaut tête bien faite que tête bien pleine“. Si nous prenions le parti d’éduquer nos jeunes dans le respect de ce qu’ils sont, de les guider vers une autonomie consciente en développant leur esprit critique, ne pourrions-nous pas espérer une société moins dogmatique et plus bienveillante ?

Si l’on se réfère à la célèbre pyramide des besoins de Maslow, on peut se rendre à l’évidence. Dans nos sociétés occidentales, nous avons la chance d’avoir nos besoins physiologiques couverts, pour une grande majorité d’entre nous.

Ensuite, ce sont nos besoins de sécurité qui ont besoin d’être satisfaits. Et pour cela, il faut instituer un cadre. Pendant longtemps, ce cadre a été très strict et punitif. On obéissait parce que l’on n’avait pas forcément le choix. Mais ce faisant, notre besoin d’appartenance était nourri. La majorité de nos contemporains obéissaient aussi et c’était rassurant.

Mais lorsqu’on obéissait sans discuter, allant à l’encontre de nos besoins d’estime de soi et d’accomplissement personnel, les derniers étages de la pyramide ne pouvaient être atteints. Ou difficilement.

En la matière, une approche bienveillante doit prendre en compte le besoin de sécurité de chacun. Un cadre est donc nécessaire et c’est une évidence. Mais sans l’imposer d’emblée. Une manière de pouvoir répondre à ces besoins qui semblent à première vue contradictoires pourrait résider dans l’éducation, la compréhension de la nécessité de ces règles qui nous protègent tous au final. Je n’obéis plus par “peur du gendarme” ou par “désir de la carotte”, mais parce que j’ai bien compris que les règles du vivre ensemble nous protégeaient tous.

Nous vivons tous dans une société en pleine transition, où nos jeunes, un peu privilégiés, dans un monde où leurs besoins physiologiques sont majoritairement satisfaits, ont aussi à composer avec l’incertitude concernant leur avenir. Il fut un temps où réussir sa scolarité, obtenir des diplômes et se conformer aux règles sociales nous garantissait un emploi et donc une sécurité financière. Ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui. Alors comment leur imposer encore un enseignement qui ne tiendrait pas compte de ces nouveaux enjeux ?

Si notre société évolue, notre regard sur ce qu’est l’autorité ainsi que sur ce que représente l’enseignement devrait évoluer en parallèle. Sans cette adaptation, il y a gros à parier que les incivilités et les comportements déviants chez nos jeunes en mal de réponses, de sécurité et de réalisation personnelle ne feront qu’augmenter… Et l’Education Nationale aura “raté le coche” par la même occasion. Ce serait vraiment dommage, car ceux que nous avons face à nous tous les jours formeront la société de demain. Quelle image de l’autorité souhaitons-nous transmettre ? De quelle manière notre attitude d’enseignant et/ou de parents leur permettra de grandir en confiance, avec bienveillance et sérénité ? Quelle société de demain souhaitons-nous ? Quelles attitudes pouvons-nous mettre en place pour rester en cohérence avec les valeurs que nous désirons transmettre ?

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Auteur : sylvienet06

Née en janvier 1970, mère de deux jeunes garçons adultes, je suis professeure de lettres dans un collège du sud de la France.

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